« Dans de nombreuses légendes, on parle de magie noire et de sorciers, de destruction et de démons, mais qui a déjà parlé de cette envoûteuse bel et bien humaine qui a soufflé des populations entières et a rayé leurs civilisations respectives de l’univers ? Personne à vrai dire, car elle vit dans le secret. »
Le grand Dar Lasham, roi des terres d’Orlanhim, faisait les cent pas en narrant cette histoire qu’une demi-douzaine de scribes s’empressait de retranscrire sur des parchemins dont l’incroyable longueur était à peine entamée. L’homme ne devait pas avoir plus d’une quarantaine d’années, avait des cheveux bruns mi-longs, une barbe d’une semaine et quelques rides déjà apparentes renforçaient son regard pénétrant que nombre de ses subordonnés craignaient parfois. Car sous ces yeux gris pâle pouvaient se trouver tantôt l’attention et la générosité, tantôt la plus grande et effrayante cruauté. Véritable double personnalité, Dar Lasham n’en était pas moins la plus importante à des hectares à la ronde. Mais en cette soirée d’hiver deserticain – les tempêtes de sable étaient au rendez-vous – il semblait troublé par une présence. Ne cessant de se retourner et de scruter les alentours, il avait également renforcé la sécurité autour de son énorme et unique cité, avant de dépêcher un message stipulant que tout citoyen écrivant aisément, promptement, et capable de supporter des heures d’acharnement perdues dans les pensées d’un homme se présente au palais.
Autant dire que peu vinrent. Mais ceux qui avaient eu la force de répondre à l’appel au nom de leur roi allaient entrer dans la plus incroyable des légendes avant le reste de la ville…
« Vous êtes ici pour entendre son histoire, que je connais. Eh oui, malgré mes airs de brute sans cervelle, j’ai tout de même une culture qui vaut bien celle de n’importe quel autre chef d’état.
Cette enjôleuse, dupeuse de fiers empereurs et braves soldats, parcourt l’univers et amasse richesses et hommes de main sans scrupules…et sans limites. Elle a sous ses ordres l’armée la plus énorme qu’on puisse imaginer. »
Tout cela paraissait bien absurde, et certains s’arrêtaient de copier tant ils étaient abasourdis. La galaxie entière n’est-elle pas connue et surveillée ? Une vague d’effroi parcourut le restreint comité, car si certains étaient effrayés par les mots de la tête de leur état que renforçait le souffle du vent, d’autres semblaient plutôt inquiets pour la vie de l’état qui, gouverné par un mystificateur, voyait sa fin arriver. Chacun d’entre eux fut rappelé à écrire, car Dar Lasham reprenait la parole, rompant un silence de plomb.
« Evidemment, par ‘énorme’, je n’entends pas tant la puissance que le nombre de soldats. Incroyable à avaler, mais l’on dit qu’il y en aurait des millions. Je doute que le plus grand état de l’univers lui-même en contienne tant. Mais les personnes les plus respectables que je connaisse qui aient entendu parler de cette histoire renchérirent cet état de fait. Où donc se cache donc cette magicienne, nous l’ignorons tous, sauf ceux qui la servent évidemment. Mais ce ne sont là que des esclaves de sa pensée, renforcés physiquement et mentalement par sa volonté de réunir l’humanité sous une seule bannière, ils n’en diraient mot, et ce, même sous la torture.
Aussi, seuls ceux possédant une force morale infinie ont pu s’extirper des liens magiques avec lesquels cette idéaliste les avaient enrôlés. Et ils ont témoignés, l’un d’entre eux devant moi, avant de mourir sous le choc de l’aveu.
Et je crois à cette histoire, j’ai senti qu’aujourd’hui notre monde était menacé, que Desertica semblait être la plus propice des planètes pour ses desseins de conquête ! Nous avons senti, nous autres grands penseurs, qu’une aura incroyable approchait, et c’est pourquoi je tenais à ce que vous sachiez cela avant que notre cité et nos hommes ne soient…inévitablement…pris. »
Le souffle sévissait toujours, et au dehors, partout le sable volait.
« Je vous ai rapporté tout cela...maintenant vous savez. »
Le bruissement se transformait en un mugissement sourd, les portes tremblaient sous l’impact de la tempête.
« Il vous reste une chose à savoir, avant que vous ne partiez. »
Le silence était tombé soudain, tout le monde l’avait remarqué, excepté le roi Dar Lasham qui toisait son audience avec des yeux exorbités.
« Retenez ce nom, Trenia Heqat. Quand vous l’entendrez, fuyez le plus vite possible, et ne vous laissez pas arracher à cette vie que j’ai tenu à faire profiter chacun ici.
L’Enjôleuse va sortir de son silence incessamment sous peu. Et elle va assouvir ses désirs, respecter son plan, mener à bien ses projets. Partez maintenant, diffusez la nouvelle partout où vous le pourrez, mais pas à la Corporation, ces crétins ne pensent être menacés que par d’autres idiots de leur espèce. Ils ne vous croiraient jamais. Allez, dépêchez-vous à présent. »
Au loin, un long râle s’éleva de la plaine déserticaine, et l’on sut que c’était fini d’Orlanhim. Les témoins de la folie d’un roi rejoignirent les ténèbres ; et ceux de la vérité, le néant.